a statue of a man with a bird on his shoulder

La Flûte enchantée opéra maçonnique

Voici un regard sur l’opéra La Flûte enchantée.

Cet article disponible en pdf ci-dessous, aborde l’opéra par quelques mots sur ses deux acteurs, évoque le contexte de sa création, établit ce qui est ou n’est pas maçonnique dans son contenu, présente brièvement le contenu du livret, puis se termine par quelques comparaisons entre son contenu et celui de la franc-maçonnerie.

Acte I : les protagonistes de la création de l’œuvre

La Flûte enchantée est le résultat de la collaboration de deux personnages qui se sont rencontrés quelques années auparavant à Strasbourg, Wolfgang Amadeus Mozart, qui compose la musique et Emmanuel Schikaneder, qui en écrit le livret.

Mozart, né en 1756 et mourra à Vienne à seulement 35 ans révolus. C’est un génie de la musique, que ce soit comme musicien ou comme compositeur, doublé d’un enfant prodige. Mozart est pétri de l’influence des Lumières, qui parle de l’égalité des Hommes, du triomphe de la raison sur l’obscurantisme religieux et sur la superstition. C’est en 1784 qu’il est admis dans la loge viennoise La Bienfaisance. Il sera un maçon fidèle, qui produira plusieurs œuvres de musique maçonnique. De ces œuvres, on dira qu’elles inspirent des sentiments d’humanité, de sagesse et de patience, de courage et d‘honnêteté, de loyauté envers les amis et finalement un sentiment de liberté. On retrouve ce trait dans La Flûte enchantée.


Quant à Emmanuel Schikaneder, né en 1751, c’est aussi un personnage hors du commun, venu de rien. Il cumulera les activités d’acteur, de chanteur, de metteur en scène, de directeur de théâtre et sera le prolifique auteur de 55 pièces de théâtre et de 44 livrets d’opéra. Il sera le directeur du théâtre Theater auf der Wieden dans lequel sera produit la Flûte en 1791 et y jouera le rôle de Papageno, Il vivra plus longtemps que Mozart, mais s’éteindra dans la misère, affecté par une maladie psychique en 1812. Il sera aussi franc-maçon, mais sa carrière au sein de cet organe sera plus brève.

Acte II: Contexte

1791, c’est le moment où le roi de France est emprisonné à la suite de la fuite de Varennes, où il tentait d’échapper à la vindicte révolutionnaire, et qui fit surgir de grandes inquiétudes dans les royaumes européens. Les dirigeants perçurent la menace que faisaient planer les Lumières sur leur statut privilégié et, c’est une époque où les FF sont aussi menacé, dans laquelle les loges vont devenir beaucoup moins puissante en limitant son nombre de membres à 300 pour être interdite 5 ans plus tard en Autriche. Cet opéra est une manière d’exister finalement pour les franc maçon de l’époque.

Sur le plan culturel et spirituel, c’est aussi une forte présence de l’égyptomanie, qui culminera avec l’expédition napoléonienne en Égypte ; cette civilisation a fasciné les Grecs, puis les Romains, avant que son intérêt monte en flèche dès la Renaissance, avec la redécouverte de l’hermétisme, née non pas en Égypte pharaonique, mais à Alexandrie, sur terre égyptienne, mais dans l’Empire romain.  On ne sait rien de la civilisation pharaonique à l’époque, car les hiéroglyphes ne sont pas encore déchiffrés, d’où une Égypte largement phantasmée.
 
Pour ce qui est de Mozart, après les représentations en 1785 du Mariage de Figaro, il est mal perçu par une partie de l’intelligentsia nobiliaire viennoise. Celle-ci comprend que cet opéra vise les privilèges et certains comportements peu moraux de la noblesse et s’en offusque. Il imagine alors produire une œuvre lyrique à destination d’un public moins huppé, un Singspiel, un opéra en allemand avec des parties parlées.

Ce sera la Flûte enchantée, dont le livret est inspiré de contes « orientaux » Dschinnistan.
Le récit contient un mélange d’Égyptomanie, de merveilleux, mais décrit le triomphe de la raison contre l’obscurantisme, de la Lumière sur les Ténèbres et fait de nombreuses allusions à la franc-maçonnerie.

Acte III: Est-ce que la Flûte enchantée est un opéra maçonnique ?

Maintenant, est-ce que la Flûte enchantée est un opéra maçonnique ? Il faut nuancer : le récit sous-tendant l’opéra est avant tout un conte, mais avec de claires allusions à la franc-maçonnerie. Le récit a une connotation fractale, susceptible, comme les symboles maçonniques, de multiples spéculations et interprétations, c’est là une propriété commune avec notre ordre, il permet de multiples lectures à différents niveaux.
 
Ce qui est maçonnique :
·       La victoire de la Lumière sur les Ténèbres.
·       Le processus initiatique comprenant épreuves symboliques et purification par les éléments. Les personnages dans l’opéra doivent passer plusieurs épreuves, du silence, de l’eau, du feu
·       La pratique des vertus intellectuelles et morales pour acquérir la Sagesse. Rappelons que les vertus sont des modes de pensée et d’agir qui portent celui ou celle qui les pratique à l’Amour de la Vérité et du Bien, transcendant des inclinaisons néfastes appelées passions, que l’on retrouve par exemple dans le catholicisme avec les péchés capitaux, mais cette pratique remonte à la philosophie de l’Antiquité.
. Les trois accords de l’ouverture et du début de l’initiation.
·       A la fin de l’opéra, il y a ce magnifique cœur final où résonne les mots de force, de sagesse et de beauté qui sont aussi les valeurs cardinales de la FM.

Ce qui n’est pas franchement maçonnique :
·       L’Égypte fantasmée et ses cérémonies d’initiation.
·       Le culte d’Isis, d’Osiris et d’Horus de Sarastro.

Acte IV : Le contenu du livret

Avant d’aller plus loin, disons quelques mots des protagonistes clés et du contenu du livret. Pour les protagonistes, on en relève 6, donc deux fois trois. Cependant, avant d’être des personnages, ce sont des archétypes, comme les symboles maçonniques, renvoyant à des structures profondes du psychisme humain, raison pour laquelle une interprétation plurielle est possible. On distingue :

  • Sarastro, sage et prêtre d’Isis, symbolisme solaire de sagesse et de comportement vertueux
  • La reine de la nuit, symbolisme d’une lune décroissante, donc ténébreuse, mère abusive de Pamina
  • Tamino, prince à la recherche de Pamina, retenue dans le royaume de Sarastro. Tamino est courageux et a les caractéristiques d’un chevalier.
  • Pamina, fille de la Reine de la nuit et prisonnière de Sarastro, elle forme avec Tamino, son alter ego.
  • Papageno, oiseleur, compagnon de Tamino dans sa quête. Papageno capture des oiseaux et les met dans une cage bruyante. Cela renvoie au mental de tout un chacun sans cesse agité de pensées parasites, la folle du logis. Papageno, peu fiable et jouisseur a pourtant un but, trouver lui aussi une compagne, Papagena.
  • Monostatos, serviteur et geôlier de Pamina, cherchant à en abuser, le bad guy du groupe.

Les terminaisons en o renvoient à un genre masculin, celle en a à un genre féminin. Noter aussi la similarité entre les noms de Tamino et de Pamina, comme s’il s’agissait en fait de deux parties d’une même personne, l’une à la recherche de sa moitié perdue. Or les francs-maçons recherchent eux aussi une parole perdue, objet de leur quête.

Acte V: Pêle-mêle de significations

Sans épuiser toutes les significations du livret, en voici quelques-unes en vrac :

  •   Le serpent poursuivant Tamino peut être relié au serpent Ouroboros, symbole ancien d’autodestruction et d’anéantissement. Tamino est préalablement dans un état mental chaotique
  • Sauvé par les dames de la Reine de la Nuit, il perçoit la dialectique de la Lumière et de l’obscurité. C’est une première nouvelle naissance.
  • Si Tamino est le chercheur en quête de Lumière, celle-ci est d’abord représentée par Pamina, une lumière qu’il faut chercher, et triompher de ses passions avant de pouvoir la faire sienne
  • Papageno représente l’homme soumis à ses désirs et à ses passions, sans que celles-ci soient agressives. Le contraire pour Monostatos
  • Mais Papageno et Tamino sont les deux faces d’une même pièce celle de l’Humain condamné à osciller constamment entre satisfaction de désirs charnels et élévation spirituelle (mais quand la chair s’affaisse, la morale se raffermit).


L’ on pourrait également ouvrir une piste de réflexion sur le fait que Pamina et Tamino passe les épreuves initiatiques ensemble, ce qui est pour beaucoup d’obédience et surtout à cette époque-là réservé aux hommes. Mozart était peut-être un féministe avant l’heure !
 
Nous recommandons la lecture et écoute du travail suivant de Radio France pour compléter ce regard sur la Flûte enchantée : La Flûte Enchantée  l’opéra franc maçon de Mozart – culture prime