Origines et évolution du titre de Vénérable Maître
Le titre de Vénérable Maître qui désigne le président d’une loge, vient de l’anglais worshipful master qui désigne un personnage (ou une institution) digne d’être vénéré ou respecté.
La première mention connue de ce titre pour qualifier le chef d’une loge se trouve dans le Manuscrit Régius (environ 1390), qui est le plus vieil exemple existant des Old Charges, les Anciens Devoirs. Les Constitutions d’Anderson qui ne connaissent que deux degrés : apprenti et compagnon, parlent du maître ou maître de loge. Avec le développement du degré de maître, la confusion devenant possible, l’usage s’est établi de distinguer le maître, titulaire des trois degrés et le maître de loge, président de l’atelier. «Les guildes affirment que c’est Anderson qui a abrogé l’apprentissage de sept ans et changé le siège du Maître d’ouest en est» (John Yarker, The Arcane Schools, Chap. XII, p.286/342).
Au milieu du XVIIIe siècle, de 1742 à 1752, on évoquait les ateliers sous le vocable de «Très Vénérable et Respectable Loge». En France, il fallait obligatoirement être d’une profession libérale pour être Vénérable Maître d’une loge jusqu’à la moitié du XIXe siècle
En tenue, s’adresser au président de la loge, reconnu par son élection comme honorable, respectable, se manifeste par les termes «Vénérable Maître» aux deux premiers degrés. Dans les rituels anglo-saxons, le président de la loge se traduit au plus proche par «plus-que-Vénérable Maître». En France, la paresse de l’habitude fait dire «Vénérable Maître» ou même «Vénérable». Aux RY, RÉ et RSE/RÉÉ, on préfère l’appel «très Vénérable Maître».
Certains auteurs s’intéressent à la signification de l’appellation symbolique Vénérable en tant que «apte à l’amour». Selon eux, quand un initié prononce les mots «Vénérable Maître», il fait appel et référence à un amour de nature cosmique de manière à ce que cet amour s’incarne dans la loge par l’intermédiaire de la fonction du Vénérable.
Rôle, fonctions et symbolique du Vénérable
Le Vénérable Maître a une triple fonction : administrative, initiatique et symbolique. «On peut reconnaître sans difficulté dans le président des ateliers des trois premiers grades, le maître, celui qui sait, qui peut, et qui ordonne.» Cependant il marque son respect aux officiers en les vouvoyant.
Sa place est au centre, à l’Orient, pour représenter la source de la lumière naissante comme le soleil au lever du jour ; il est l’intercesseur et le dispensateur de l’énergie lumineuse. Seul un Vénérable installé (sous plusieurs dénominations selon les degrés) a le pouvoir fondamental de la transmission initiatique par intégration des récipiendaires dans leur nouveau grade.
Il est celui qui autorise ou refuse l’accès à la tenue des visiteurs.
Depuis 1773, l’élection du Vénérable, telle celle des officiers, se fait annuellement et obligatoirement au scrutin secret comme le prescrivent les statuts de l’Ordre royal de la Franc-maçonnerie en France.
Les pouvoirs du « maître de la loge » (on dit aussi Vénérable Maître en chaire) ne sont limités que par le rôle de l’Orateur, le gardien de la Loi que le Vénérable ne peut transgresser
Les « Anciens » reprochent aux « Modernes » d’ignorer l’installation secrète du Vénérable Maître, considérée par les Irlandais comme fondamentale. Celle-ci, en effet, permet l’accès au grade de l’Arch Royal, grade qui est regardé par la tradition irlandaise comme le sommet de la Maçonnerie. Cette installation secrète, dont il n’existe pratiquement aucun témoignage avant 1705 en terre britannique, transmet un mot, un signe, un attouchement et est, en réalité, une sorte de super-grade de maître. Ainsi, chez les « Anciens », l’office de Vénérable Maître est lié à une cérémonie qui a la structure d’un grade, à laquelle ne peuvent participer que ceux qui, maître en chaire ou passés maîtres possèdent ce titre. « La cérémonie d’Installation n’a ni ouverture ni fermeture, cette partie est réputée voilée mais se déroule dans la continuité des travaux. En effet, une rupture de temps serait équivalente à sortir le Maître des travaux de la Loge alors que l’Installation doit bien effectuer l’inverse en affirmant non seulement son importance dans les travaux, mais aussi la nécessité qu’il les conduise. De fait, on ouvre les travaux jusqu’au troisième degré, les Frères de tous degrés sortent en laissant entre eux les Passés Maîtres et l’impétrant. Ils rentreront ensuite, salueront et reconnaitrons le représentant de Salomon selon leur grade ». L’Installation du Maître de la Loge est une cérémonie inconnue de la pratique des Moderns
La chaire de Salomon : pouvoir et héritage biblique
Dans les loges travaillant aux rites constructeurs, l’influence de la Bible est notable dans la dénomination du siège occupé par le Vénérable, la chaire de Salomon.
Salomon fit édifier le palais du trône à proximité du mont Moriah. Sa construction commence le jour même de l’achèvement du Temple et dure dix ans.
Le palais se compose de plusieurs parties ; d’une salle des gardes aux larges colonnes de cèdre, des appartements du roi, des salles de réception et d’apparat, de bureaux diplomatiques ou l’on signe les traités, d’une salle du trône où Salomon rend la justice, d’un appartement pour la fille de pharaon (une de ses épouses), et d’une grande cour.
Le trône sur lequel le roi s’installe pour rendre la justice a six degrés, deux lions sont debout près des bras et douze lions se tiennent de part et d’autre des six degrés (1, Rois, 10, vers18-20). L’ivoire indique l’incorruptibilité et l’invincibilité, l’or la suprématie et la sagesse, les lions la puissance. Les deux lions signifient l’autorité sur les territoires d’Israël et de Juda ; les douze lions symbolisent les douze tribus d’Israël. Les six marches du trône de Salomon devait rappeler les six commandements spéciaux qu’un roi d’Israël devait observer.
C.W.